jeudi 4 octobre 2012

C'est populaire .... donc...... c'est bon !

On peut être pour une chose... on peut être contre une chose... mais dans tous les cas,  il faut savoir si on a de bonnes raisons d'être pour ... ou d'être contre.

Le 17 septembre, Yves Calvi proposait, en fin de soirée, dans l'émission Mots Croisés un débat intitulé « Homos, Mariés et Parents ? » Je pensais y trouver un débat intense dans lequel chacune des parties cherchant à convaincre les auditeurs du bien-fondé de sa position sur le sujet, développait son argumentation et combattait celle des adversaires à sa cause.

J'ai retenu de cette soirée que pour les supporters du mariage homosexuel le débat n'était plus nécessaire puisqu’à l'évidence 64 % des Français était favorable à son adoption et qu'il serait donc, de toute manière, autorisé par la loi. J'ai également découvert que le fait qu'une proposition de loi soit populaire autorisait ses défendeurs à dire qu'il s'agissait donc d'une bonne mesure. Elle est populaire, elle est donc bonne ! Cette forme d'argument est à mettre en relation avec celle qui consiste à dire qu'une mesure est bonne parce qu'elle est courageuse. Il faut en effet être courageux pour favoriser l'adoption d'une mesure qui n'est pas populaire. Elle n'est pas populaire puisqu'une majorité des électeurs n'y est pas favorable.

Les mêmes données, à savoir 64 % des Français sont favorables à la mesure A, peuvent donc servir d'argument dans un sens comme dans l'autre. Pour obtenir notre assentiment à l'adoption de la proposition A, il suffit de dire qu'elle est bonne puisqu'elle est populaire et de dire que puisqu'il est courageux de s'y opposer, il est bon de s'y opposer.

Il convient de se demander si le courage ou la popularité sont des arguments recevables. Est-ce qu'une mesure est bonne parce qu'elle est populaire ? Est-ce qu'une réforme est bonne parce qu'elle est courageuse ? Plus précisément, est-ce que le fait de savoir qu'elle est populaire (ou courageuse) nous permet de juger de sa valeur, laquelle est proportionnelle aux bénéfices (nets) que son adoption procurera à la société. À l'évidence, il n'y a pas de lien logique entre popularité et bénéfices pour la société. Afin de s'en assurer, il convient de se demander au préalable ce qui peut constituer un bénéfice pour la société. On admet que l'augmentation du pouvoir d'achat, la réduction du chômage, la réduction des inégalités, etc. sont des changements bénéfiques.

Par contre, il est aisé de concevoir qu'une mesure qui est susceptible de procurer des bénéfices à la société soit effectivement populaire auprès des citoyens. Ainsi si l'on parvient à convaincre les citoyens qu'une mesure est bonne, par exemple à l'aide d'un argument A, alors il est probable qu'elle devienne populaire. La séquence est : 

Argument A --> la réforme est considérée comme Bonne pour la société --> la réforme est Populaire.
(le dernier lien repose sur l'hypothèse que les citoyens apprécient les réformes qu'ils qualifient comme bonne pour la société).
Cette séquence est substantiellement différente de la séquence proposée dans l'argumentation dont on cherche à apprécier la qualité, à savoir :

La réforme est Populaire -->, la réforme est donc Bonne pour la société.

L'argument de popularité, bien qu'il puisse être convaincant, n'en est pas moins fallacieux puisqu'il n'apporte aucune information quant à la qualité de la proposition.

Pourquoi est-il alors si convaincant ? La popularité d'une mesure est, de manière implicite, une pression sociale, celle de la conformité. Par ailleurs, psychologiquement il est toujours plus confortable d'être dans le camp des vainqueurs.

Dans le cas du mariage homosexuel, les opposants pourraient imaginer être traité d'homophobes ou d'affreux conservateurs qui s'opposent à la marche inéluctable du progrès... deux qualificatifs dont personne ne souhaite à l'évidence se sentir affublé.

À qui profite le crime ? Il n'y a, a priori, que des avantages électoraux pour un parti politique qui se propose de faire adopter une proposition qui est déjà populaire. Certes, il apparaitra à l'écoute des citoyens... On pourra, pour disqualifier les opposants d'une réforme populaire, les accuser de ne pas être à l'écoute des citoyens. On pourra même utiliser l'argument selon lequel le peuple est dans sa majorité sage et, puisqu'il ne peut donc se tromper, une réforme populaire devra donc être considérée comme une bonne réforme. Mais finalement, que la réforme soit populaire ou non, que le peuple soit sage ou non, que les opposants soient eux-mêmes considérés comme des citoyens éclairés ou non, la question restera  toujours la même : est-ce que cette réforme est Bonne pour la société ?
  
Pour s'assurer que courage et popularité ne sont pas des arguments pertinents pour apprécier qu'une proposition est digne d'intérêt... on peut regarder comment son statut évolue au cours du temps. Prenons le cas d'une proposition de loi que l'on pourrait qualifier de courageuse parce qu'elle n'est pas populaire. Supposons qu'elle soit finalement votée et mise en œuvre avec succès. Conserve-t-elle son qualificatif de courageuse ? On peut répondre à cette question par la négative. Le courage consiste à faire accepter une réforme qui n'est pas populaire. lorsque elle est mise en œuvre le courage a-t-il encore un peu de crédit ? On peut par ailleurs se demander si le courage ne qualifie pas plus celui ou celle qui soumet, malgré son impopularité, une réforme à notre assentiment.       
  
        
           
   

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