lundi 26 novembre 2012

Lorsque Carla Bruni-Sarkozy s'en mêle


Dans le numéro de décembre de Vogue, Madame Carla Bruni-Sarkozy parle du mariage et de l'adoption par les couples homosexuels.

Elle aurait dit : "Je suis plutôt en faveur [ du mariage et de l'adoption par le couple homosexuel ] parce que j'ai beaucoup d'amis - hommes comme femmes - dans cette situation et je ne vois rien d'instable ou de pervers dans les familles avec des parents gays." 


Bon ! On est prêt à pardonner encore un appel à l'ignorance. Ce n'est évidemment pas parce que l'on ne voit rien qu'il n'y a rien. Ce ne sont pas là de très bons arguments en faveur du mariage homosexuel  que de dire que l'on ne voit rien, que l'on ne sait pourquoi, que l'on ne peut imaginer, que cela n'a pas de sens, ...!

Jean-Michel Baylet (interrogé sur RTL le 9/11/2012) ne voyait pas comment un Député ou un Sénateur de la République Française pourrait faire correctement son travail sans une quelconque forme ancrage local (voir le billet du samedi 10 novembre 2012)Jean-Michel Baylet, est le sympathique Sénateur et président du conseil général du Tarn-et-Garonne, président de la communauté de communes.

Madame Carla Bruni-Sarkozy ne voit rien elle aussi. Mais c'est aussi peut-être parce qu'il n'y effectivement rien à voir! 





Argument ad personam

Schopenhauer évoque une forme extrême de l’attaque ad hominem que nous avons évoquée dans un billet récent, l’argumentum ad personam. Alors que l'argument ad hominem s’attaque aux propos ou aux actes de l’opposant, l’argumentum ad personam s’attaque directement à la personne. 

Il y a là une subtile différence, par exemple entre exposer au public un mensonge proféré par un opposant et traiter l’opposant de fieffé menteur. L’attaque ad personam est, d’après Schopenhauer, un excellent moyen pour dérouter l’adversaire lorsque le débat tourne à l'avantage de celui-ci. De nos jours, une telle attaque pourrait s’avérer contre-productive pour celui qui la perpètre. Lionel Jospin a découvert les effets néfastes de l'argument ad personam lorsqu'il a évoqué lors d'un voyage l'affaiblissement, associé à l'âge, des capacités de Jacques Chirac. L'attaque ad personam est toujours délicate, car il peut s'avérer difficile à celui ou celle qui l'administrent d'apporter les preuves de ces allégations.

Comme dans le cas de l'argument ad hominem, l'argument ad personam n'est pas pertinent si la discussion porte sur une proposition. En effet cet argument n'apporte aucune information utile sur la qualité de la proposition pour laquelle on nous demande notre assentiment. Comme dans le cas d'un argument ad hominem, il est relativement facile à débusquer. Le débat passe alors des caractéristiques de la proposition aux caractéristiques des débatteurs. De fait de débat, il ne reste souvent que le nom.

mercredi 21 novembre 2012

Nous saurons prendre nos responsabilités !

J'avais l'impression que l'un des modes opératoires du gouvernement précédent pour ne pas s'engager dans un débat était de dire aux citoyens qu'une chose n'était plus un problème parce que justement le gouvernement s'en était occupé. Il n'y a plus de problème, puisque l'on s'en est occupé.

J'ai maintenant la désagréable impression que l'on nous joue une musique similaire, mais différente. J'ai été frappé par l'usage fréquent du mot responsabilité dans le discours de l'actuel gouvernement. « C'est de ma responsabilité » ; « Je suis responsable de cette décision » ; « le gouvernement prend ses responsabilités » souvent d'ailleurs, c'est un moyen de clore une réponse à une question : de toute façon ici s'engage ma responsabilité. Je croyais, peut-être à tort, que ceux qui nous gouvernent étaient déjà responsables de leurs actes ! Ils le sont probablement plus, comme la fameuse lessive qui lave plus blanc que blanc.

Dans les deux cas, j'ai l'impression que ces deux ritournelles sont un moyen plus ou moins élégant de nous dire à nous les citoyens : « de quoi vous préoccupez vous donc, puisque je m'en suis déjà occupé » ou bien « de quoi vous préoccupez vous donc puisque j'en suis responsable. » Circulez...

Dans les deux cas, point de débat !     

  

jeudi 15 novembre 2012

L’argument ad hominem

Supposons que deux débatteurs argumentent sur la valeur d’une proposition, par exemple, sur la réduction des flux migratoires. On peut facilement imaginer que l’un des deux a le sentiment de perdre pied. Sa riposte discrète : l’attaque ad hominem ! Au lieu d’argumenter sur l’intérêt ou sur le manque d’intérêt de la réduction des flux migratoires, il s’en prend à son interlocuteur. L’objectif est de saper la crédibilité de son opposant ou bien de détourner l’attention de l’auditoire, au moins temporairement, sur un aspect que l’on connait pour être une faiblesse de l’opposant ou bien faire définitivement glisser le débat sur un autre sujet. La forme habituelle de l’attaque ad hominem consiste à disqualifier son interlocuteur, parfois même en y associant une touche d’humour pour s’attirer la sympathie de l’audience. Par exemple, l’attaquant peut suggérer que son opposant n’a pas toujours eu sur ce sujet-là une opinion d’une grande constance.


En effet, homo politicus n’aime pas être pris en flagrant délit de se dédire. Changer d’avis semble, en politique, être une maladie honteuse. Dans les autres arènes professionnelles, changer d’avis est considéré comme une preuve d’intelligence ou au moins celle d’une grande capacité à s’adapter aux changements du monde. Pourquoi n’est-ce pas le cas en politique ? Comme le disait Descartes, si deux opinions s’opposent, alors au moins une des deux est erronée. Changer d’opinion c’est indirectement admettre que l’on peut se tromper. Autrement dit, c’est avouer que l’on n’est pas fiable. Et c’est un défaut que les adversaires savent bien exploiter lorsqu’ils sont à court d’arguments ou lorsqu’ils pensent que leurs arguments ne font plus mouche.

Les arguments ad hominem, autrement dit les attaques à la personne, sont particulièrement fréquents dans les débats et dans les commentaires politiques. Ils sont d’autant plus faciles à mettre en œuvre que l’opposant est souvent inconstant. Ils sont aussi particulièrement efficaces, d’autant plus efficaces que l’auditoire semble malheureusement en raffoler.

Les arguments ad hominem appauvrissent grandement le débat qu’il soit politique ou d’une autre nature. De fait, ils mettent un terme à l’affrontement des idées. De notre point de vue, il signale la faiblesse du débatteur qui a recours à un tel argument.

Une célèbre attaque ad hominem fut, parait-il, la réponse que fit lors d’un débat public Abraham Lincoln à une attaque ad hominem de son opposant Stephen Douglas. Celui-ci voulait montrer à l’auditoire que l’opinion d’Abraham Lincoln sur un sujet, que l’on qualifierait de technique, était certainement inférieure en qualité à la sienne. Il dit alors bien connaitre Abraham Lincoln dont il fréquentait régulièrement l’échoppe. Ainsi, il évoqua avec subtilité le métier d’Abraham Lincoln. Pouvait-on faire confiance sur un sujet important et pour un poste de premier plan à un petit commerçant ? La conclusion s’imposait d’elle-même : de manière certaine, non ! Abraham Lincoln contraria le plan de son opposant en disant effectivement se rappeler les fréquentes visites que faisait Stephen Douglas dans son échoppe… visites au cours desquelles il avait le plaisir de satisfaire la passion de son opposant… pour les boissons alcoolisées ! Auquel des deux devait-on le plus faire confiance ? À un commerçant besogneux ou à un alcoolique patenté ?


Repérer une attaque ad hominem est particulièrement aisée. Alors que l’on débat de la valeur d’une proposition, le sujet de l’échange glisse, plus ou moins subrepticement, sur les qualités de l’un des deux participants. Parfois même un des deux protagonistes refuse le débat en jetant en pâture à l’opinion publique les piètres valeurs ou le manque d’aptitude de leur opposant. Voici un florilège d'argument ad hominem.


  •  On ne peut pas avoir entièrement confiance dans votre proposition, vous avez changé si souvent d’opinion (vous êtes déjà trompé si souvent !).
  • Lorsque vous étiez au pouvoir, si je me rappelle bien, votre opinion était bien différente !
  • Cela ne sert à rien de débattre avec vous d’immigration. C’est bien connu, vous êtes raciste ! Votre opinion sur le sujet est déjà faite (je me refuse à débattre d’un sujet aussi sérieux que l’immigration avec quelqu’un comme vous !)
  • Faut-il supprimer le défilé du 14 juillet ? Certainement pas ! Ceux qui pensent le contraire ne comprennent en rien les relations profondes qui lient la France à son armée. Ils ne sont pas des Français authentiques (même s’ils en possèdent bien la nationalité depuis fort longtemps).
  • Je ne pense pas que vous connaissez bien… les Français ! Cela fait tellement de temps que vous fréquentez les allées du pouvoir !
  • Je ne pense pas que vous connaissez bien… le sujet ! Monsieur Allègre, le climat ce n’est pas votre spécialité. (Vos arguments ne sont donc pas recevables !)
  • Peut-on avoir confiance dans les thèses de monsieur Hulot ? Quelles valeurs peuvent donc avoir les propositions d’un présentateur télévision qui émargeait encore récemment chez TF1?

Il semble important de faire la différence entre deux contextes très différents. De quoi débat-on ? L’objectif premier est-il de se forger une opinion sur la valeur des propositions que l’on soumet à notre assentiment en discutant de leurs avantages, de leurs inconvénients et leurs risques respectifs? Dans ce cas, l’attaque ad hominem n’est pas pertinente. Elle détourne l’attention des citoyens du débat central en focalisant l’attention sur le débatteur. 

L’objectif est-il au contraire d’élire un homme ou une femme à un poste qui requiert des qualités que l’on ne trouve pas chez le commun des mortels ? Si la constance dans les idées est une qualité présupposée requise, alors un moyen de disqualifier un opposant est d’exposer son inconstance.

Entre les deux situations, la différence est notable ! Dans le premier cas, la proposition est une politique et c’est notre devoir en tant que citoyen de s’assurer que nous sélectionnons la meilleure des politiques possibles. Dans le second cas, la proposition est un homme ou une femme et c’est aussi notre devoir en tant que citoyen de nous assurer que le meilleur des candidats possibles sera retenu pour le poste.




Abraham Lincoln a acheté, avec un partenaire d’affaires, un magasin à New Salem dans l’Illinois. Il avait 23 ans.

samedi 10 novembre 2012

Je ne vois pas comment on ....

Novembre 2012 - Rapport Jospin sur la moralisation de la vie publique.

Lionel Jospin propose, parait-il, propose la suppression du cumul des mandats. Les critiques des cumulards ne manquent pas. Parmi eux, celles de Jean-Michel Baylet, le sympathique Sénateur et président du conseil général du Tarn-et-Garonne, président de la communauté de communes, etc. Jean-Michel Baylet (interrogé sur RTL le 9/11/2012) ne voit pas comment un Député ou un Sénateur de la République Française pourrait faire correctement son travail sans une quelconque forme ancrage local. Il ne voit pas comment ! Il n'est malheureusement pas le seul parmi nos hommes politiques à ne pas voir comment ils pourraient bien faire leur travail législatif sans un mandat local.

Que l'argument est beau ! Jean-Michel Baylet nous révèle en fait son manque de lucidité (il ne voit pas comment...) et les citoyens pourraient se demander s'il est bon de nommer un sénateur qui manque à ce point de lucidité. Son manque de lucidité ne peut pas être un argument valable pour s'opposer à cette mesure. Il pourrait se demander comment cela se passe dans d'autres pays et obtenir ainsi l'éclairage qui lui manque tant....L'appel à l'ignorance n'est pas à l'évidence un argument que l'on puisse agiter pour soutenir ou pour s'opposer à une proposition. Ceux qui prônent l'abandon du cumul des mandats pourraient aussi bien dire qu'ils ne voient pas pourquoi un législateur de la république ne pourrait pas faire correctement son travail législatif sans un mandat local. Quel débat ! « Je ne vois pas comment un député pourrait faire son travail législatif correctement sans un mandat local » contre « Je ne vois pas pourquoi un député ne pourrait pas faire son travail législatif correctement sans un mandat local. »

Il y a probablement d'autres variantes de cet argument trompeur que j'ai appelé l'appel à l'ignorance. Nous ne manquerons pas de les débusquer dans de prochains billets.  

   

dimanche 4 novembre 2012

Parler des derniers couacs ou débattre !


De quoi parle-t-on ces derniers jours ? Des couacs des uns et des commentaires des autres sur les mêmes couacs !

Parle-t-on encore aujourd'hui de politique en France ? On pourrait en douter ! Où sont les débats d'antan ? Où sont les beaux et grands affrontements d'idées entre de grands courants idéologiques qui permettaient aux auditeurs, téléspectateurs ou lecteurs de finalement se forger une opinion ?

Rien de tel aujourd'hui ? Les commentateurs politiques sont plus enclins à nous décrire les dédales du pouvoir, les petits stratagèmes des uns ou des autres pour prendre les rênes d'un parti, les histoires de concubinage des divers personnages qui peuplent le théâtre politique... et je n'évoque pas les commentaires qui commentent les propos des commentateurs... Avez-vous remarqué que le commentaire est maintenant devenu si important, que l'on oublie parfois de rappeler aux auditeurs l'évènement qui a été à l'origine d'un commentaire ?

Cela nous éloigne à l'évidence des débats politiques de qualité. Parler des hommes et des couacs, cela permet de ne pas parler des choses plus importantes. On pourrait même se demander si les couacs, qui ne semblent a priori pas prémédités, ne sont pas en fait des stratagèmes pour éviter des débats qui pourraient être plus saignants ! Voilà que je me mets moi aussi à commenter !

Lorsque l'on s'intéresse plus aux hommes ou aux femmes qui font de la politique qu'à leurs idées, ce sont les idées qui en pâtissent. Ce mal se répand ! Il a été toujours plus facile d'accuser un opposant des pires maux que de débattre avec lui ! Si l'on veut se débarrasser de son chien, ne suffit-il pas de dire qu'il est enragé ? À force d'affubler une personne des pires attributs, ils deviendront un des éléments de sa personne. Un mensonge souvent répété devient une vérité. Dans cette histoire, il me semble que l'arroseur soit à son tour arrosé. Les socialistes ont un temps accusé Nicolas Sarkozy d'être l'ami des riches (et donc d'être injuste envers les autres) et d'être un président bling-bling ! Les membres de l'U.M.P en profitent à leur tour pour faire le procès en incompétence du premier ministre socialiste.


Que les arguments utilisés soient de mauvaise qualité, soit ! Cela passe encore. Mais aujourd'hui, c’est l’absence d'un vrai débat qui est encore le plus préjudiciable à la démocratie. Pauvreté de l’argumentation et absence de débat sont probablement à mettre en relation. En effet peut-on prendre le risque de débattre, c’est-à-dire de s’opposer, si l’on ne dispose pas d’une capacité à argumenter ou à réfuter ?